La bande dessinée, souvent abrégée en BD, est une forme d’expression artistique unique qui combine des images et du texte pour raconter des histoires. Surnommée le « neuvième art », la BD utilise une succession d’images dessinées, incluant des dialogues et des pensées des personnages à l’intérieur de bulles, pour créer un mode de narration visuel et textuel.
Les origines de la bande dessinée : Une vieille histoire !
Les origines de la bande dessinée plongent leurs racines profondément dans l’histoire de l’humanité, bien avant l’apparition des formes modernes que nous connaissons aujourd’hui. Les premières traces de narration visuelle remontent à l’art pariétal des grottes de Lascaux, où des scènes de chasse et des récits mythologiques étaient représentés à travers des successions d’images. Ces fresques préhistoriques, vieilles de plus de 17 000 ans, montrent que les humains ont toujours eu le désir de raconter des histoires à travers des images. Cette tradition s’est perpétuée à travers les âges avec les bas-reliefs des temples égyptiens, les codex précolombiens, les vitraux des cathédrales gothiques et la tapisserie de Bayeux, illustrant des événements historiques et des récits épiques.
C’est toutefois au XIXe siècle que la bande dessinée commence à se structurer en tant que médium distinct grâce aux progrès de l’imprimerie. L’invention de la lithographie permet une reproduction en série des dessins, ouvrant la voie à une diffusion massive des œuvres illustrées. Rodolphe Töpffer, un pédagogue et caricaturiste suisse, est souvent crédité comme le père de la bande dessinée moderne. Ses histoires en estampes, telles que Les Aventures de Monsieur Vieux-Bois (1827), combinent dessins et textes pour créer une narration séquentielle, un format qui influence profondément les futurs créateurs de bandes dessinées. Töpffer considère ses œuvres comme des « romans en images », soulignant déjà la nature hybride de la bande dessinée entre art visuel et littérature.
À la même époque, en Europe, des publications illustrées destinées aux enfants et aux familles commencent à voir le jour. En France, la fabrique Pellerin d’Épinal produit des images populaires vendues par des colporteurs. Ces images, souvent accompagnées de légendes naïves et de sentiments manichéens, étaient un moyen d’information et de divertissement pour un public peu scolarisé. Ces images d’Épinal, bien que rudimentaires, jettent les bases de la bande dessinée en développant le concept de séquences narratives. Elles évoluent progressivement vers une forme plus structurée, avec des cases et des bulles, à mesure que la technologie de l’impression s’améliore.
Parallèlement, aux États-Unis, la bande dessinée prend une forme plus définie à la fin du XIXe siècle avec l’essor des journaux à grand tirage. Richard Felton Outcault crée en 1895 The Yellow Kid, souvent considéré comme la première véritable bande dessinée moderne. Publié dans le New York World de Joseph Pulitzer, The Yellow Kid introduit l’utilisation des bulles de dialogue pour les paroles des personnages, une innovation majeure qui deviendra un standard dans le médium. L’immense popularité de The Yellow Kid marque le début d’une ère où la bande dessinée devient un élément incontournable des suppléments dominicaux des journaux américains.
Ainsi, les origines de la bande dessinée sont une confluence d’influences culturelles et technologiques. De l’art rupestre aux images populaires, en passant par les expérimentations graphiques de pionniers comme Töpffer et Outcault, la bande dessinée émerge comme un médium puissant de narration visuelle. Elle se développe en parallèle des progrès de l’impression, qui permettent sa diffusion massive et son accessibilité à un large public. Ce mélange unique de texte et d’image, issu de siècles d’évolution artistique et technique, donne naissance à la forme moderne de la bande dessinée, prête à conquérir le monde au tournant du XXème siècle en devenant « un neuvième art« .
L’évolution et la diversité de la bande dessinée
L’évolution de la bande dessinée au début du XXème siècle est marquée par une diversification rapide et une internationalisation sans précédent. En Amérique du Nord, les comic strips deviennent un élément essentiel des journaux, captivant les lecteurs avec des séries innovantes comme Little Nemo in Slumberland de Winsor McCay. Cette série est particulièrement remarquable pour son art détaillé et ses récits oniriques qui exploitent pleinement les possibilités visuelles du médium. Les années 1930 voient l’émergence des bandes dessinées de super-héros, avec des personnages emblématiques tels que Superman, Batman et Wonder Woman. Ces super-héros, souvent représentés avec des pouvoirs extraordinaires et des costumes flamboyants, captivent l’imagination du public et définissent un nouveau genre qui deviendra un pilier de la culture populaire américaine.
En Europe, la bande dessinée suit une voie légèrement différente, se concentrant sur la bande dessinée franco-belge. Cette tradition est caractérisée par des séries telles que Tintin de Hergé et Astérix de Goscinny et Uderzo, qui introduisent des personnages et des histoires devenus des classiques intemporels. Tintin, avec ses aventures journalistiques et ses intrigues complexes, et Astérix, avec son humour et sa satire historique, captivent les lecteurs de tous âges et influencent des générations d’auteurs et d’artistes. Ces œuvres, publiées en albums luxueux, définissent la norme de la bande dessinée en Europe, mettant l’accent sur la qualité artistique et narrative.
Au Japon, la bande dessinée, connue sous le nom de manga, développe une culture riche et variée, distincte de ses homologues occidentaux. Osamu Tezuka, souvent surnommé le « dieu du manga », joue un rôle déterminant dans la popularisation du manga après la Seconde Guerre mondiale avec des œuvres comme Astro Boy. Tezuka introduit des techniques narratives influencées par le cinéma, telles que les gros plans et les variations de cadrage, qui donnent au manga un dynamisme unique. Les mangas se distinguent par leur style graphique distinct et leurs récits couvrant une vaste gamme de genres, s’adressant à tous les âges et à tous les goûts, des histoires de samouraïs aux romances adolescentes, en passant par la science-fiction et l’horreur.
Cette diversification se reflète également dans les thèmes et les formats de la bande dessinée. Aux États-Unis, les années 1950 et 1960 voient une explosion de genres, allant des bandes dessinées d’horreur aux westerns, en passant par les romans graphiques qui explorent des thèmes plus adultes et sophistiqués. En Europe, la bande dessinée continue de s’affiner, avec des auteurs comme Jean Giraud (Moebius) qui repoussent les limites du médium avec des œuvres expérimentales et visuellement innovantes. Les magazines comme Métal Hurlant deviennent des incubateurs pour de nouvelles idées et styles artistiques, influençant non seulement la bande dessinée mais aussi le cinéma et l’art contemporain.
La bande dessinée aujourd’hui : une reconnaissance artistique et culturelle
Au fil des décennies, la bande dessinée a progressivement gagné en reconnaissance en tant que forme d’art légitime, dépassant son image initiale de divertissement pour enfants. Ce changement de perception est en grande partie attribué aux nombreux festivals de bande dessinée qui célèbrent cet art à travers le monde. Le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, en France, est l’un des événements les plus prestigieux dans ce domaine (on peut aussi citer celui d’Amiens tous les mois de juin). Chaque année, ces festivals attirent des milliers de visiteurs, des professionnels de l’industrie et des amateurs de bandes dessinées, offrant des plateformes aux auteurs pour présenter leurs œuvres, échanger des idées et discuter des tendances du marché. Ces festivals sont importants dans la promotion de la bande dessinée en tant qu’art et permettent de reconnaître la diversité et la richesse de ce médium.
L’impact de la bande dessinée sur la culture et l’art est également démontré par des œuvres marquantes qui ont abordé des sujets sérieux et profonds. Maus d’Art Spiegelman, une bande dessinée sur l’Holocauste, a remporté le prix Pulitzer en 1992, soulignant la capacité de la bande dessinée à traiter des thèmes graves et complexes avec une profondeur comparable à celle de la littérature ou du cinéma. Cette reconnaissance critique a ouvert la voie à une nouvelle génération de créateurs qui utilisent la bande dessinée pour explorer des sujets personnels, historiques et sociaux. Les œuvres graphiques deviennent des moyens puissants de narration, capables de susciter des émotions fortes et de faire réfléchir le lecteur sur des questions importantes.
Avec l’avènement d’Internet et des technologies numériques, la bande dessinée a su évoluer et s’adapter aux nouveaux modes de consommation. Les webcomics et les bandes dessinées numériques ont permis aux auteurs de publier leurs œuvres directement en ligne, atteignant un public mondial instantanément. Des plateformes comme Webtoon et Tapas ont révolutionné la manière dont les bandes dessinées sont consommées, offrant des formats innovants et interactifs. Ces plateformes exploitent les possibilités offertes par les écrans tactiles et les supports numériques pour créer une expérience de lecture dynamique et immersive, souvent enrichie par des éléments multimédias tels que des animations et des effets sonores.
Cette transition vers le numérique a également permis une plus grande diversité de voix et de styles dans la bande dessinée. Les créateurs peuvent expérimenter librement sans les contraintes traditionnelles de l’édition imprimée, ce qui a conduit à l’émergence de nombreuses œuvres indépendantes et alternatives. Les webcomics, en particulier, ont donné une visibilité accrue à des créateurs issus de diverses cultures et communautés, enrichissant le paysage de la bande dessinée avec de nouvelles perspectives et narratives.
Pour aller plus loin : Un petit lexique de la bande dessinée
La bande dessinée, avec ses codes visuels et narratifs uniques, utilise un vocabulaire spécifique pour décrire ses divers composants. Un des éléments fondamentaux est l’appendice, qui relie la bulle au personnage. Il permet d’identifier le locuteur et prend souvent la forme d’une flèche pour les paroles et de petits ronds pour les pensées. Les cartouches, quant à eux, sont des encadrés rectangulaires contenant des éléments narratifs ou descriptifs, souvent assumés par le narrateur, et sont utilisés pour ajouter des commentaires ou des précisions à l’histoire.
Les récitatifs sont des textes insérés dans les cases qui servent à expliquer ou à détailler l’action, souvent introduits par des expressions telles que « Pendant ce temps… » ou « Le lendemain matin… ». Ils sont particulièrement utiles pour faire comprendre certaines actions impossibles à restituer uniquement par l’image. La planche est une page entière de bande dessinée, composée de plusieurs bandes de cases ou vignettes, organisées en une séquence narrative cohérente. Chaque bande ou bandeau représente une succession horizontale de plusieurs images, généralement entre une et six vignettes, et est la structure de base sur laquelle repose le récit visuel.
Les plans et les angles de vue dans la bande dessinée, empruntés au vocabulaire cinématographique, permettent de varier la manière dont les scènes sont présentées et de produire différents effets narratifs. Le plan général offre une vue d’ensemble, avec un décor prédominant et des personnages souvent petits, alors que le plan rapproché met l’accent sur les expressions psychologiques des personnages en les coupant à la ceinture. Le gros plan se concentre généralement sur le visage pour faire ressortir les émotions, tandis que le très gros plan ou zoom coupe parfois une partie du visage ou de l’objet cadré pour attirer l’attention sur un détail spécifique.
Les cadres des cases de bande dessinée, contrairement aux dimensions fixes d’un écran de cinéma, peuvent varier en largeur et en hauteur selon les besoins du récit. Les angles de vue, tels que la plongée et la contre-plongée, modifient la perspective et l’angle de vision pour dramatiser ou magnifier les scènes. La plongée, une vue de dessus, donne un sentiment d’écrasement ou de menace, tandis que la contre-plongée, une vue de dessous, confère au sujet un aspect de supériorité et de domination.
Les procédés d’enchaînement des cases, tels que la scène et la séquence, structurent la narration en permettant de sauter des événements sans importance (ellipse) ou de revenir en arrière (flash-back). Le champ-contrechamp est une technique narrative qui associe deux angles de vue opposés pour montrer les interactions entre les personnages, tandis que le hors-champ fait référence à ce qui échappe au cadre de l’image mais influence néanmoins la compréhension de la scène. Ce lexique permet de mieux comprendre la richesse et la complexité du langage de la bande dessinée, un médium qui continue d’évoluer et d’innover tout en restant fidèle à ses principes fondamentaux.
Afin de conclure sur la bande dessinée
La bande dessinée, qu’il s’agisse de comics américains, de bandes dessinées franco-belges ou de mangas japonais, a prouvé qu’elle est une forme d’expression artistique polyvalente et puissante. Elle transcende les frontières culturelles et linguistiques, touchant des lecteurs de tous âges et de tous horizons. En combinant l’art visuel et la narration textuelle, la bande dessinée offre une expérience immersive unique qui continue de captiver et d’inspirer. Son évolution continue témoigne de sa capacité à se renouveler et à s’adapter, assurant ainsi sa place en tant que neuvième art dans le panorama culturel mondial.
R.C.